dimanche 17 juillet 2016

Léon Degrelle et le nationalisme flamand.



II. L'Avant-Garde: Confession d'un Flamingant.

Les éditions de L’Avant-Garde étant une tribune libre, nous nous faisons un plaisir tout particulier de publier ce travail d’un camarade flamand. Bien que les théories qui y sont exposées diffèrent en plusieurs point de celles qu’on nous connaît.

Les lecteurs y verront le témoignage de notre sincère désir d’entente.





L’AVANT-GARDE
Confession d’un Flamingant



AVANT-PROPOS

Le jeune député Alfons Vranckx (31 ans) s’adresse aux syndiqués 
socialistes de la Centrale générale des Travailleurs du Bâtiment, 
de l’Ameublement et des Industries diverses (1938).

J’admire la sereine impartialité d’« outsider » que respire la petite brochure de Léon Degrelle. Car entre camarade, ce n’est pas tellement l’infaillibilité de la pensée qui importe, mais le ton sur lequel elle a été exposée.

Je suis persuadé, en outre, que Degrelle est animé du sincère désir de voir une conciliation entre Flamands et Wallons. Malgré tout, cela ne saurait nous être indifférent. Une défaillance exagérée à l’égard de ce désir serait de la faiblesse.

Je comprends aussi qu’un silence obstiné de notre part nous fait considérer comme rébarbatif à toute réconciliation. Il n’en est rien cependant. Le fait que je vous écris en français suffit pour prouver le contraire. Mais ce que nous repoussons, c'est tout compromis.

Car permettre qu'on touche à notre programme, équivaut à l'abandonner.

Léon Degrelle –comme presque tous les Wallons d'ailleurs– n'a pas très bien compris le mouvement flamand. Ses illusions dominent ses doutes; son esprit est emprisonné dans des opinions erronées. Mais je comprends qu'il lui serait impossible de se débarrasser de la « tyrannie » de ses journaux, qui souvent débitent des mensonges - par ignorance, aveuglément ou mauvaise foi ? - des mensonges qui flattent les passions... Et les hommes conviennent facilement de désigner ces mensonges sous le nom de « Vérité » car toujours, on considère volontiers comme juste et beau ce qui caresse le cœur, et... « le cœur a des raisons, que la raison ne connaît pas… »

Je ne m'indigne donc point, que Léon Degrelle s'étonne de ce que les Flamands « font toujours la grosse voix et se fâchent… C'est cependant bien simple, Degrelle. Vous êtes comme ces gens qui voudraient laisser se consumer une maison par l'incendie, et qui s'étonnent de ce qu'il en sorte de la fumée !

C'est une mauvaise tactique, qui doit finir au détriment de la Belgique. Employez plutôt vos forces à éteindre directement l'incendie; la fumée disparaîtra en même temps...

C'est pour vous faire rendre enfin un peu plus de justice à notre cause, que je vous écris cette dissertation en une langue, qui gêne la liberté de mon esprit et l'expression exacte de ma pensée.



NOTRE BUT

« Claes est ton courage, noble peuple de Flandre, Soetkin est ta mère vaillante, Uylenspiegel est ton esprit, une mignonne et gente fillette, compagne d'Uylenspiegel et comme lui, immortelle, sera ton cœur… »
Charles De Coster



LUTTE

Il y a dans l'homme quelque chose d'incompréhensible, d'indéfini, qui, souvent, la pousse à agir à l'encontre de ses principes les plus chers.

Ce quelque chose d'inexprimable, je le rencontre partout. Il plane au-dessus des foules qui se pressent derrière le symbole d'un idéal, sans en comprendre la vraie signification, sans se rendre compte de la portée de leurs manifestations; je le trouve plus encore dans les colonnes des journaux, où souvent l'on ne sent qu'un instinct de lutte et de passion; je le lis surtout sur les visages arrogants et obstinés de gens, qui se targuent de pouvoir parler avec un « sans-gêne » déconcertant de choses, qu'ils ne comprennent pas, ou dont ils n'ont que des notions superficielles.

C'est là l'élément décisif d'une lutte: mélange de passion, d’égoïsme déguisé, de préjugés et d'ignorance.

Non seulement on perd souvent de vue son propre but final, mais on confond chez l'adversaire les principes et les abus.

Forcément on devient incapable de juger les choses avec équité... Il est de notre devoir de faire un effort sur nous-mêmes, d’imposer silence à notre esprit trop individualiste, de combattre nos propres préjugés, pour rompre enfin avec la tradition de gens médiocres, qui vivent de leur petitesse...



INFLUENCE FRANCAISE

Léon Degrelle s'étonne de ce que nous voulions boycotter la culture française, de ce que nous voulions en « effacer » toute trace de Flandre… Il s'indigne que nous voulions « à tout prix tuer, à l'école et à l'Université, tout vestige de l'influence intellectuelle de Paris »...

Il s'étonne bien en vain. Car il nous prête des intentions, que nous n'avons nullement.

Boycotter la culture française ! Qui donc y songe ? Nous sommes fervents admirateurs, autant des grands hommes français et de leurs œuvres, que des grands hommes anglais, allemands, italiens, russes !

Mais point ne suffit d'admirer... Nous voulons VIVRE !

Nous voulons, nous aussi, participer aux mouvements intellectuels, qui font vibrer l'humanité; quand le spectacle de la vie aux formes multiples et amples éveille dans notre âme les sensations les plus diverses, nous éprouvons le besoin de traduire notre émotion, non seulement à nous-mêmes, mais aussi aux autres. Et nous savons que cet élan vers l'art, nous savons que cette lueur de beauté, qui s'élèvent dans l'âme, s'éteindront comme des flammes, qui ne trouveraient pas d'atmosphère où elles puissent brûler, si nous n'avions pas à notre disposition un moyen d'expression approprié.

Ce moyen d'expression, c'est la langue. Il faut la posséder dans toutes ses nuances, pour exprimer une pensée dans toute sa puissance, pour traduire une sensation dans toute sa richesse et dans toute sa beauté.

Cette langue riche et correcte, nous la voulons donner à nos frères et à nos sœurs; nous voulons qu'ils sachent l’« employer » qu'ils sachent la manier, parce qu'elle est la première condition, non seulement pour créer ou perfectionner une culture, mais même pour en jouir.

Léon Degrelle a confondu le but et le moyen. Le moyen que nous exigeons, c'est la langue; notre but est d'assurer le développement d'une culture flamande, qui ne serait qu'une partie de la grande culture européenne, mais « qui se développerait sur terre natale ». Et puisque nous voulons participer à la culture européenne, il serait idiot de vouloir bannir de notre contrée tout vestige de la culture française, qui continue à jouer un grand rôle clans la civilisation. Quand nous avons exigé –et nous l'exigeons encore– l'enseignement flamand, depuis l'école primaire jusqu'à 1'université, c'était pour permettre aux Flamands de se développer librement selon les besoins de leur caractère, selon les nécessités de leur « être » afin de donner à leur culture une base plus forte, qui permettrait d'absorber les éléments des cultures étrangères, de façon utile et fructueuse. Mais cela ne veut nullement dire que nous bannirions le français de notre enseignement. Ce que nous voulons, c'est que d'abord l'enfant sache écrire et parler correctement sa langue maternelle, ensuite –et alors seulement– il pourra commencer l'étude de la seconde langue. Les pédagogues les plus qualifiés sont d'accord pour déclarer que, dans ces conditions, l'étude de la seconde langue sera pour l'enfant plus facile et qu'il en aura une connaissance plus correcte.


Avez-vous compris, Dautricourt
(1), pourquoi nous ne voulons pas du programme que vous voulez –à tort !– nous attribuer ? Selon vous, notre raisonnement serait celui-ci:

« Il faut une résurrection de la culture flamande d'expression flamande. Or, à cette résurrection la Belgique une est un obstacle et la culture française en Flandre une pierre d'achoppement ».

Il faut donc toutes deux les balayer... Cela parait bien simple, mais c'est inexact. Nous ne haïssons pas la culture française, et ce n'est pas elle que nous visons. Voici plutôt le raisonnement flamingant:

« Il faut à la Flandre une culture saine et forte. »

Or, pour qu'une vraie culture soit possible, il faut que TOUT le peuple puisse se développer suivant les besoins de son caractère, suivant la nécessité de sa nature, dont la langue est la base et l'image la plus complète.

Ce développement du peuple selon ses besoins est impossible, aussi longtemps qu'on ne respecte pas sa personnalité, aussi longtemps que l'emploi de sa langue maternelle est pour lui une cause d'infériorité dans les rapports publics, dans un Etat où il cohabite avec une autre nation, qui parle une autre langue.

Cette infériorité existe, et c'est elle qui empêche l'épanouissement de la culture flamande.

Donc, nous devons combattre tout régime qui maintient cette infériorité…

Tant que cette situation d'infériorité sera maintenue par un régime d’Etat, on commettra une criante injustice au préjudice de tout un peuple, en attentant à sa personnalité.

Dans ces conditions, toute vraie culture est impossible. Or nous ne voulons pas que la culture flamande soit comme une fleur artificielle, qui sent la poussière; nous voulons, au contraire, qu'elle croisse comme une fleur vivante et forte, qui a ses racines dans ce que la nature et la réalité ont de meilleur et de plus merveilleux.

J'ai voulu –et je crois l'avoir fait– écarter une de ces erreurs funestes par lesquelles nos adversaires multiplient les chances de réaction. Je veux maintenant, aussi objectivement que possible, montrer quels sont nos adversaires et les mobiles qui les font agir, ensuite quelle est notre force.


NOS ADVERSAIRES

S'il y a un obstacle, ce n’est donc nullement la culture française, à moins qu'on ne la confonde avec la culture bruxelloise à la Beulemans, qui fait qu'on perd les qualités d'une nation sans acquérir celles de l'autre, et qui expose aux moqueries du Parisien espiègle et au dédain de tout homme civilisé. Celle-là tue notre culture, sans pouvoir la remplacer.

Quels sont alors nos adversaires ?

D'abord, les journalistes bruxellois, qui continuent à empester l'opinion publique avec une satisfaction qui approche de l'inconscience.

En second lieu, la majorité des Wallons: la plupart ignorent tout du mouvement flamand; d'autres le connaissent, mais le craignent, parce qu'ils n'ont pas le courage de renoncer ou de faire renoncer leur peuple à des privilèges, qui sont autant d'injustices.

Enfin, une partie de la bourgeoisie en Flandre.

Une partie de la bourgeoisie –qui est surtout celle des « affaires »– attache toujours une grande considération à ce qui a grandi (le moyen qui a fait grandir ne l’intéresse guère), à ce qui est devenu un fait. Elle est routinière, ne fait pas d'effort pour discerner la vérité. Elle est surtout pratique. Elle nourrit une haine implacable contre tout ce qui pourrait déranger l'ordre établi, aussi longtemps que celui-ci ne s'oppose pas à ses intérêts matériels.

D'autres bourgeois croient que l'emploi du français est plus distingué, leur donne un certain vernis que le « Vulgus profanum » n'a pas encore. Pour eux, il s'agit d'apprendre à leurs enfants le français aussitôt que possible (surtout beaucoup de français et peu de flamand), condamnant ainsi, par vanité, leurs enfants à la médiocrité.

Si donc une partie de la bourgeoisie s'oppose au mouvement flamand, c'est par un sens pratique mal compris, par ignorance, par routine, par vanité.



NOTRE FORCE

Néanmoins, nous avons la conviction que nous devons triompher dans un bref délai. Rien n'est moins douteux pour un observateur clairvoyant.

Une grande commotion d'intelligence et de vie secoue le peuple flamand depuis la guerre. Les améliorations sociales –journée de huit heures, sécurité de soutien en cas de crise, etc.– ont donné aux jeunes ouvriers et aux petits employés plus de loisir, et aussi plus de sécurité pour réfléchir, pour penser, pour participer à une émancipation culturelle. Le suffrage universel leur a donné la force.

Le temps n'est plus, où quelques rares fervents s'intéressaient à la culture flamande. Autour de nous, nous sentons la vie de l'intelligence qui s'éveille.

L'élite continue son œuvre de vaste rénovation. Elle fait goûter au peuple et aussi à une partie de la bourgeoisie les fruits de la vie intellectuelle, et toutes ces délicatesses merveilleuses du cerveau et du cœur font dans leur esprit comme un bruit d'abeilles, réveillées par le matin. Par un élan prodigieux, par une activité infiniment diverse et ample, ils veulent satisfaire leur nouveau besoin d'idéal. Que de cercles dramatiques, que de cercles de conférences, d'étude et de voyage ! Et nos congrès d'intellectuels ! Et nos théâtres dramatiques et lyriques ! Et tous ces cercles qui sont animés du même désir d'émancipation, proclamant hautement que toutes les langues se valent et que l'emploi du flamand ne peut pas être une cause d'infériorité dans un pays où les Flamands sont la majorité !

Voilà les fruits du mouvement flamand. A cause de lui, l'âme flamande est redevenue libre ! Elle sent de nouveau qu'elle a droit à la justice, à la vérité et à la beauté.


« Est-ce qu'on enterre Uylenspiegel, l'esprit, Nele, le cœur de la mère Flandre ? Elle aussi peut dormir, mais mourir, non !… »

Alfons Vranckx





(1) Joseph-Yves Dautricourt (1907-1987) est un étudiant louvaniste en droit qui répondit également à la brochure de Léon Degrelle : Flandre et Flamands – Aux Wallons (éditions L’Avant-Garde, 1928). Professeur à l’Université Catholique de Louvain, il se signala, à la Libération, par son zèle épurateur en publiant des ouvrages juridiques, tels que La trahison par collaboration avec l'ennemi occupant le territoire national. Etude préparatoire et pratique de la répression, dans le cadre des lois pénales belges, complétées par les arrêtés-lois des 17 décembre 1942 et 6 mai 1944 (Larcier, 1945), L'article 115 du Code pénal et la répression de la collaboration économique (Larcier, 1945), La jurisprudence militaire (Larcier, 1946),…

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