mercredi 2 septembre 2020

Robert Brasillach (1909-1945), extrait de "Léon Degrelle et l'Avenir de Rex" - 1936

C'est le terme de santé qui vient en effet le premier à l'esprit lorsqu'on pense au jeune mouvement. Il désire tout d'abord retourner à la vérité, à la réalité, c'est-à-dire non pas déifier le concept de race ou le concept d'État ou celui de classe, mais considérer une nation dans son ensemble vivant. La révolution à accomplir est une révolution à la fois morale et réaliste. Elle consiste à rendre à chacun sa dignité, et à construire un État fondé non pas sur des mythes ou sur le dangereux individualisme, mais sur les réalités sociales de la famille et de la profession. Il est assez significatif de retrouver dans le Rexisme, beaucoup plus encore que quelque parenté avec le fascisme italien ou le racisme national-socialiste, des idées qui ont été chères à La Tour du Pin, aux traditionalistes du dix-neuvième siècle, à l'Action française et, aujourd'hui, à Salazar ou au comte de Paris. Ces idées, elles sont adoptées par des centaines de milliers d'hommes, jeunes pour la plupart, qui les vivent avec une force dont nous avons mal idée. Et devant cette révolution à la fois nationale et sociale, qui fait paraître si timides les anciens partis, il ne faut pas s'étonner si ceux qui sont encore attachés aux vieilles erreurs s'inquiètent. Léon Degrelle, comme tous les hommes jeunes de notre temps, a compris que la tragique faute des partis avait été de disjoindre la nation et le travail : les hommes de« gauche » soutenaient les travailleurs, et d'ailleurs ceux d'une seule classe, les modérés de« droite » les ignoraient. Pour avoir voulu tenir solidement les deux bouts de la chaîne, le national et le social, Léon Degrelle a été immédiatement suivi avec enthousiasme, comme l'ont été, bien qu'ils soient très différents, Hitler et Mussolini. C'est là que réside l'accord essentiel de Rex avec la jeunesse de son temps.

Comme toutes les vraies révolutions, Rex est donc, en même temps qu'une révolution politique, une révolution morale. C'est ici qu'il faut se souvenir des origines du parti. Bien que tolérant pour toutes les confessions religieuses, Rex ne s'est jamais caché d'être un mouvement catholique, et affirme même que le seul moyen de lutter contre le bolchevisme,c'est le christianisme. Dans son entreprise de protection de la famille, il accorde avec raison une place extrêmement importante à la restauration des notions morales, et les Principes rexistes nous exposent longuement un « plan de propreté de la rue », une organisation des spectacles et spécialement du cinéma. « Nous estimons, disent-ils, que le relèvement de la famille est une condition indispensable au relèvement matériel du pays. » Là dedans, qu'on le remarque bien, pas d'utopies humanitaires. Léon Degrelle et Jean Denis savent bien qu'il ne suffit pas de supprimer les maisons closes officielles pour supprimer la prostitution et que les belles affiches en couleurs n'inciteront jamais personne à faire des enfants. Ce qui importe, ce sont des réalisations positives : pour combattre la prostitution, il vaut mieux poursuivre un patron qui donne des salaires insuffisants à ses employés, examiner les conditions dans lesquelles se fait le couchage dans les taudis, que de prendre de grandes résolutions à apparence morale. Ce qu'il faut louer dans le rexisme, c'est l'aspect concret que prennent justement tous les problèmes. De ces idées si raisonnables chacun aurait à s'inspirer.

Il y a même dans les principes rexistes un projet de réforme des fonctionnaires très simple et très séduisant. Rex pense qu'il vaut beaucoup mieux qu'un homme de quarante ans gagne plus d'argent qu'un homme de soixante. Avec les variations qui s'imposent d'ailleurs, suivant les cas, les charges de famille et les enfants, c'est sur ce principe qu'il désire calculer le traitement de tous les fonctionnaires. Je ne trouve pas cela déraisonnable.

Naturellement, cette révolution morale se réduirait à de belles phrases, si elle ne s'accompagnait d'une révolution économique. Aux combattants rexistes, deux ennemis sont nommément désignés : le bolchevisme et l'hypercapitalisme. Ils sont d'ailleurs plus voisins de l'autre que chacun d'eux le pense, puisque leur développement n'aboutit qu'à concentrer en peu de mains, au pouvoir d'une oligarchie sans contrôle, toute la vie d'un pays. D'après Léon Degrelle, la Belgique est plus avancée encore que la France sur la voie des grands trusts, et il en désigne quelques-uns qui dirigent effectivement l'activité générale du territoire. C'est contre eux, et contre la puissance immodérée des banques, que le rexisme a commencé de lutter. « Qui fera les frais de la crise ? lisait-on dans Rex en septembre 1936. Seul l'hypercapitalisme doit porter le fardeau d'une crise dont il porte, à tous égards, l'accablante responsabilité. » Rex veut réorganiser les métiers, décentraliser le plus possible, combattre les grandes sociétés à succursales multiples pour protéger le petit commerce, la petite industrie, l'artisanat, toutes les formes de vie où les hommes sont près les uns des autres, et aptes à se comprendre, au lieu d'être les rouages d'une machine. Tout cela, naturellement, ne peut guère se concevoir sans une organisation corporative extrêmement précise, qui puisse éviter cette routine où s'est enlisé le petit commerce français et qui l'a condamné à mort. Là encore, nous pourrions encore chercher une parenté avec l'Essai sur le gouvernement de demain du comte de Paris. Au moins autant que le bolchevisme, que le capitalisme, que le monstrueux étatisme, Rex condamne d'ailleurs ce qu'il appelle « l'odieuse hypocrisie manchestérienne », c'est-à-dire le libéralisme économique. La doctrine du libre développement du commerce et de l'industrie a, en fait, abouti à considérer le travailleur comme une denrée, qu'on paie plus ou moins cher suivant le temps. C'est la doctrine la plus opposée à la dignité humaine qu'on puisse concevoir. Sur le mensonge de ce libéralisme, sur le chantage exercé par le capital sur l'ouvrier, c'est peut-être Charles Maurras qui a écrit d'ailleurs les pages les plus dures et les,plus pénétrantes à l'article Ouvrier de son Dictionnaire. Avec une certaine férocité, joyeuse,Léon Degrelle écrivait dans le Pays réel en août 1936 : « Le bourgeois ne comprend qu'à l'instant précis où on le raccourcit d'environ vingt centimètres. » Il ne faudrait pas croire, après cela, que le rexisme soit une doctrine de lutte de classes. Tout mouvement inspiré plus ou moins du corporatisme, tout mouvement fondé sur la dignité du travail, est bien au contraire partisan de la réconciliation des classes. La devise de Rex, elle est admirable, et je l'ai lue sur sept colonnes, en titre du Pays réel, le premier jour où j'ai rencontré Léon Degrelle : « Travailleurs de toutes les classes, unissez-vous ! » C'est la devise la plus nette qui soit à opposer à la mensongère proclamation communiste. Mais elle réclame le respect mutuel, et la justice aussi bien que l'amour. L'amour, lui, ne peut se réduire en formules. Mais la justice, on peut l'exiger, on petit l'organiser. Il ne faut pas devoir à l'initiative privée, toujours sujette à révision et à caution, ce que le droit vital réclame. C'est là une idée qui a longtemps rebuté les vieux partisans du libéralisme et de la charité : il n'en est pas qui soit sans doute plus profondément ancrée au cœur et dans l'esprit des jeunes, c'est l'idée maîtresse de Rex.

Autour du roi, clef de voûte de la nation, autour de l'idée nationale elle-même, le rexisme veut organiser la vie complexe, la vie multiple des familles, des professions, des provinces. La famille étant la première cellule sociale, il veut organiser le vote plural, supprimer les droits de succession en ligne directe, supprimer le divorce. A l'intérieur de la profession, il veut instaurer un régime de protection du travail. Dès à présent, des syndicats groupent les ouvriers pour les revendications professionnelles, et la vie, comme toujours, a devancé la théorie. A l'intérieur du cadre national, il veut faire respecter les diversités et les libertés des provinces.On se doute que cette partie du programme a une singulière importance en Belgique. Les ennemis de Léon Degrelle l'accusent d'être Wallon en Wallonie, Flamand en Flandre. Comment en serait-il autrement ? Dans ce pays divisé par la langue, où chaque partie craint de se voir dépassée par l'autre, où, aujourd'hui, si l'on en croit les Wallons, la prépondérance flamande est établie d'une manière excessive, comment le seul remède ne serait-il pas dans une liberté analogue, à celle de l'ancienne France ? Léon Degrelle déclare que le bilinguisme obligatoire a fait son temps, que jamais les Wallons n'ont voulu apprendre le flamand, et qu'il importe de laisser chacun tranquille, avec sa fierté régionale, ses coutumes, sa langue. Sinon,à force d'excès, on en arrivera à détruire la Belgique. Il réclame donc un libre fédéralisme, où Bruxelles servira de trait d'union, et il pousse même le souci de liberté jusqu'à réclamer l'égalité des droits pour les Allemands d'Eupen : Rex a une édition allemande, et un député de cette langue. Malgré les attaques dont son système est l'objet, il apparaîtra vite aux esprits non prévenus qu'il est le seul possible et logique.

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